Je vous fais part d'une recherche sur le chant des oiseaux et de son rapport avec le sommeil réalisé sur les mandarins ce qu'ils ont trouvés fascinant :Jean-Marc Edeline : « Le sommeil structure le chant des oiseaux »
Quel rôle joue le sommeil dans l'apprentissage du chant chez les Diamants mandarins ?
Une étude publiée dans Nature révèle que les jeunes oiseaux profiteraient de la nuit pour parfaire leur chant . Même si cela ne s'entend pas au réveil !
Pourquoi avoir choisi d'étudier le Diamant mandarin ? Jean-Marc Edeline : Les auteurs de l'étude ont profité de la simplicité du chant de cet oiseau, constitué de seulement 4 ou 5 syllabes, pour réaliser un tour de force technique. Pour quantifier les chants, enregistrés en permanence pendant plusieurs mois, il a en effet fallu développer des programmes de classification automatique très puissants, avant de pouvoir détecter les changements de paramètres des différentes syllabes.
On lit fréquemment que dormir favorise la mémorisation. Pourtant, cette étude montre qu'au réveil les jeunes Diamants chantent moins bien que la veille au soir. Qu'en est-il ? L'article de Sébastien Derégnaucourt montre que la qualité du chant oscille au cours des 24 heures du cycle veille-sommeil. À leur réveil, les oiseaux émettent des syllabes destructurées. Il leur faut une matinée d'entraînement pour récupérer, puis améliorer la structure du chant acquise la veille, avant de stagner en fin de journée. Il semble que cette dégradation des syllabes soit bénéfique au développement du chant : la maîtrise finale est d'autant plus grande que la dégradation est importante au début de l'apprentissage.
Comment expliquer ce paradoxe ? Certaines zones du cerveau, qui sont activées pendant le chant, le sont à nouveau pendant le sommeil. Cette réactivation, qui se passe en l'absence de retour auditif puisque l'oiseau dort, pourrait expliquer que les premiers chants de la journée sont dégradés, comme le sont les chants d'oiseaux sourds. C'est seulement en s'écoutant chanter au cours de la journée que les Diamants intégreraient leurs progrès nocturnes. Un élément important dans cette étude est que la dégradation va en s'atténuant au fur et à mesure que l'oiseau met au point une copie parfaite du chant de son tuteur. Dans une période où, presque tous les mois, sort un article disant que « le sommeil, c'est bon pour la mémoire », il est bien que des travaux montrent que ce n'est pas si simple.
La destructuration du chant est-elle vraiment liée à la phase de sommeil ? Les auteurs montrent que ce n'est ni un « réveil difficile » ni une absence de chant pendant huit heures qui entraîne la dégradation des syllabes, mais bien le fait que des épisodes de sommeil aient lieu. En effet, des oiseaux endormis en plein jour grâce à des injections de mélatonine émettent à nouveau des sons destructurés à leur réveil, comparables à ceux mesurés après une nuit de sommeil. Il est toutefois dommage que les auteurs de cet article n'aient pas étudié quel type de sommeil était mis en oeuvre. On aurait alors pu établir un parallèle entre ce résultat et des travaux plus anciens : chez les rongeurs, le pourcentage de sommeil paradoxal augmente par rapport au temps de sommeil total consécutivement à des apprentissages réalisés pendant la veille, puis redevient normal. Quantifier le sommeil dans cet article aurait permis de savoir quel type de sommeil et combien il est nécessaire à la mémorisation des syllabes du chant.
Propos recueillis par Marina Casselyn.
Source : http://www.larecherche.fr/content/recherche/article?id=10513